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Jeudi Salsifis – Les êtres souverains, kézaco ?

Plongée au coeur d’un mouvement conspirationniste, dont la base des croyances tourne autour du concept farfelu de « fraude du nom légal ».

« Être souverain », « citoyen souverain », « fraude du nom légal », voilà des termes qui ne résonnent peut-être guère à vos oreilles. De façon résumée, des Etats (ici, la France et les Etats-Unis d’Amérique) ne seraient en réalité que des entreprises privées. Cela leur permettrait de « voler » les noms légaux, ainsi que leurs personnalités juridiques, de leurs administrés, les transformant en bons du trésor et les rendant légalement esclaves. Le tout, grâce à un contrat qui serait rédigé conjointement à votre acte de naissance.

A l’origine

Comprenons-nous, il ne s’agit pas d’une création originale française, mais d’un concept exporté des des Etats-Unis. L’idée est que les citoyens des Etats-Unis possèdent tous une véritable fortune, cachée par les Etats depuis l’abandon de l’or au profit du dollar (1933), époque à laquelle les américains furent obligés de remettre leur or à la banque fédérale américaine. Selon les tenants de cette théorie, les USA seraient en faillite depuis et useraient de leurs administrés comme garantie financière.

Franklin D. Roosevelt, qui signa l’Executive Order 6102, par le biais duquel les citoyens américains durent remettre leur or à la Réserve Fédérale Américaine

Le décret entraînant l’obligation des citoyens américains de remettre leur or à la Réserve Fédérale des Etats-Unis ne serait, toujours selon les tenants de cette théorie, qu’une manoeuvre frauduleuse, un dol, ayant entraîné la transformation des citoyens américains en garantie financière, par le biais d’une rédaction d’un acte de vente du citoyen accolé à l’acte de naissance.

Tout cela vient d’une interprétation capillotractée du droit maritime et de sa transposition en droit civil. Allez savoir le comment du pourquoi. Mais grosso modo, cela signifierait que l’Etat vous transforme de personne physique à personne morale, en gros, en société, ce qui lui permettrait légalement de vous posséder. Et ce avec la complicité active des fonctionnaires, politiciens, banquiers, etc… Comme je vous l’ai dit, c’est capillotracté. 

Dans le cas de la France, la « date fatidique » serait 1947, année marquée par une rude inflation, des émeutes de la faim, et le début du Plan Marshall.

Dissection de ces « combattants de la liberté »

Pour ces « êtres » ou « citoyens souverains », tout l’objectif serait donc de parvenir à se « libérer » de cet acte en redevenant une personne physique… Tout en mettant la main sur le fameux précieux pactole caché. Pour cela, ils cherchent notamment à retrouver ce fameux contrat, lié à notre acte de naissance. Selon eux, il se trouverait dans le TGI ou la mairie de notre lieu de naissance. Et tout semble bon pour parvenir à leurs fins. Le cas d’une ancienne juge américaine, Heather Tucci-Jaraff, qui aurait réussi à trouver ces documents, fait de la prison et en est ressortie, est généralement relayé parmi les « êtres souverains »… En omettant qu’elle fut initalement arrêtée pour escroquerie, blanchiment d’argent, fraude bancaire, etc… Et que l’évocation de la théorie de la fraude du nom légal n’a en rien favorablement contribué en leur faveur.

Mais si ils tentent de s’extirper d’un cadre juridique légal, ils ne cessent pour autant de se réclamer de toute loi. En particulier les « lois universelles », supposées régir l’Univers, ainsi que les 10 Commandements bibliques et les lois noachiques, supposées données à Noé par Dieu après que ce dernier ai englouti le monde sous les flots, symboles de son alliance éternelle avec l’humanité. Très concrètement, il s’agit surtout de lois définissant un cadre moral (dans le cas de celles issues d’écrits religieux), ou ayant un semblant de base métaphysique, et non de lois définissant un réel cadre juridique.

Comprenez que ces personnes ne se sentent liées à rien, que ce soit à l’Etat, la justice, la loi, ou même un simple contrat. Ils cherchent d’ailleurs à ne jamais honorer ces derniers, arguant qu’ils ont été conclus par leurs doubles juridiques et non leur propre personne physique. Ils recommandent aussi de ne payer ni impôt, ni taxe, ainsi que de retirer les enfants des écoles.

Enfin, politiquement parlant, ils ont plus souvent tendance à pencher vers l’extrême-droite, mêlant racisme et antisémitisme (les Juifs étant, selon eux, une partie des personnes tirant les ficelles dans l’ombre, avec les Illuminatis et les Francs-maçons). Et si aujourd’hui, il existe des organisation souveraines afro-américaines, comme le Temple Scientifique Maure et la Nation Washitaw, certaines parmi les premiers souverains considéraient qu’être blanc était nécessaire pour se revendiquer de leur camp.

Focus sur Alice Pazalmar

En France, l’une des principales représentantes du mouvement est Alice Pazalmar (Alice Martin Pascual), co-fondatrice de One Nation.

One Nation se propose d’être : « une vague d’émancipation planétaire qui invite à se ressaisir sereinement de son pouvoir personnel et refuser toute autorité illégitime [prônant la] désobéissance créative« .

Du coup, Alice Pazalmar et One Nation, ça vous dit quelque-chose ? Peut-être, et à raison : en septembre 2021, elle avait l’intention d’acheter un domaine de 200 hectares afin de le transformer en éco-lieu. Rapidement repéré, l’affaire avait fait grand-bruit sur les réseaux sociaux (notamment grâce à l’activité de comptes Twitter tels que Veille Extrême & les Debunkers d’Hoax), menant à une levée de boucliers de la part des maires & associations riveraines environnantes, et une préemption du terrain par la Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural.

Pourquoi, vous demandez-vous ? Eh bien, Alice Pazalmar et One Nation ne sont pas si innocents que cela : on les retrouve dans l’affaire de l’enlèvement de la petite Mia, en avril 2021, enlèvement dans lequel a aussi trempé Rémy Daillet-Wiedemann, dont nous parlerons plus bas. Outre ce qui a été dit plus tôt (tentative d’achat d’un domaine, lien avec l’enlèvement de la petite Mia), elle a notamment fait plusieurs déclarations sécessionnistes, allant jusqu’à mettre en scène la destruction de son passeport en 2021.

Elle a aussi déclaré, un an avant la destruction de son passeport, ne plus s’identifier à sa carte d’identité et se rattacher aux « lois universelles », dont on a parlé plus haut.

En décembre 2021, France 2 lui a consacré un reportage, livrant un aspect plutôt inquiétant et éloigné de l’image « bienveillante » qu’Alice Pazalmar peut tenter de renvoyer sur les réseaux sociaux. : ses enfants ne sont pas scolarisés et ne suivent même pas d’éducation à domicile, One Nation a cherché  à mettre en place un projet d’éducation alternative et Alice Pazalmar a apporté son soutien à une opération de kidnapping piloté par Stan Maillaud, un ancien gendarme, proche de la dissidence.

Au sujet de Rémi Daillet-Wiedemann

Et si vous ne savez pas qui est Daillet-Wiedemann, petit récapitulatif : ancien membre du MoDEM, il en a été exclut en 2010 pour avoir enregistré François Bayrou à son insu. Il a par la suite évolué au sein de la sphère dite « dissidente », faisant notamment la promotion du retrait des enfants de l’école afin de leur enseigner à la maison. Il se définit lui-même comme « anti-système », « antivaxx », « anti-chemtrails », « anti-franc-maçon », « anti-avortement » et n’a pas eu de difficulté à évoluer au sein de la sphère QAnon.

Il part en Malaisie en 2015 et en est expulsé en 2021 (titre de séjour expiré). Rapatrié en France, il est cité dans plusieurs affaires, comme l’attaque d’une gendarmerie à Dax, une affaire de soustraction d’enfants (comprenez « enlèvements ») ou encore la constitution d’une cellule terroriste visant des loges maçonniques, des centres de vaccination, des antennes 5G et dont la finalité était de s’en prendre à des lieux institutionnels (gendarmerie, poste de police, mairie) pour finir par un coup d’état.

Voilà ce qui conclut notre petit tour d’horizon sur ce que sont les « êtres souverains », je vous invite à consulter les liens suivant pour approfondir votre compréhension du sujet :
Alice Pazalmar (Conspiracy Watch)
Fraude du nom légal (Conspiracy Watch)
Fraude du nom légal (Debunker d’hoax)

Antoine Barré

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